Ceux-ci ont été marqués par quelques déclarations qui laissent présager un changement de ton et d’approche par rapport à l’ancien ministre, Gaëtan Barrette, ainsi qu’une décentralisation des services, notamment par l’appui au travail interdisciplinaire. Des propos qui collent avec des revendications de longue date de la Fédération des professionnèles[1] (FP-CSN).

Dans une entrevue au Téléjournal de Radio-Canada à la suite de son assermentation, la nouvelle ministre a d’abord reconnu que la réforme Barrette avait été très exigeante pour les gens du réseau et qu’elle souhaitait amener davantage de collaboration sans mener à une autre réforme de structure. Elle mentionne du même souffle vouloir investir dans les CLSC et inciter les médecins de famille à déléguer des actes aux travailleurs sociaux et aux psychologues, notamment. Redonner à la première ligne toute son importance pour améliorer l’accessibilité aux soins et aux services à la population est donc un axe porteur.

Ce décloisonnement des pratiques était une demande constante de la FP-CSN tout au long du mandat libéral. « Le réseau de la santé et des services sociaux a besoin plus que jamais de décloisonner ses pratiques pour améliorer l’accès aux soins et leur efficacité, estime la présidente de la FP-CSN, Ginette Langlois. C’est d’ailleurs ce qui fait la force des CLSC, qui pourtant, ont été grandement malmenés sous la direction du ministre Barrette. Nous sommes heureux de constater cet intérêt renouvelé pour les CLSC ».

« Les médecins ne sont pas seuls dans le réseau »

Les solutions ne doivent pas viser uniquement les services médicaux. La FP-CSN demande également à la ministre d’apporter les correctifs nécessaires afin de remettre les services sociaux au cœur de la mission ministérielle, car ceux-ci ont été malmenés par les lourdes compressions budgétaires et la centralisation des décisions au sein de mégastructures que sont les CISSS et les CIUSSS.

La nouvelle ministre a par la suite reconnu franchement, en entrevue à l’émission 24/60, que « les médecins ne sont pas seuls dans le réseau ».  Il s’agit d’un changement de paradigme important qui souligne l’importance du travail interdisciplinaire et qui laisse présager une sensibilité renouvelée à l’égard des services sociaux, ce qui est cohérent de la part, d’une travailleuse sociale de formation et ancienne PDG de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, d’avoir une analyse plus globale du réseau.

La ministre souhaite également s’assurer « que nos intervenants n’aient plus à faire des kilomètres et des kilomètres d’un site à un autre. » Il s’agit d’une situation que dénonce les professionnel-les et technicien-nes du réseau qui mènent actuellement des négociations locales et dont les pourparlers achoppent en partie sur ces enjeux.

Les sages-femmes, des ressources à mieux déployer

La ministre doit également donner un nouvel élan au déploiement du réseau des services sage-femme au Québec. Car dix ans après l’adoption de la Politique de périnatalité en 2008 par le gouvernement Charest, la FP-CSN constate le manque de volonté politique et de vision globale dans le développement des services. Par conséquent, l’objectif de 10 % des accouchements avec sages-femmes en 2018 est loin d’être atteint et on se retrouve aujourd’hui à moins de 5 % de cette cible, malgré une demande en hausse constante pour ce type de services. Il n’y a aujourd’hui qu’un peu plus de 200 sages-femmes pour y répondre.

« Nous devons poursuivre le déploiement de la profession, estime Ginette Langlois. Nous avons l’impression que les sages-femmes ne sont pas reconnues à leur juste valeur, alors que nous savons qu’un accouchement avec sage-femme diminue de façon importante les interventions médicales comme les césariennes. Le gouvernement doit faire la promotion de la profession pour combattre les préjugés liés à la méconnaissance de la pratique et favoriser une meilleure collaboration avec l’équipe médicale, notamment. »

Vers une ouverture au dialogue ?

Le réseau de la santé et des services sociaux a grandement souffert des longues années libérales et il nous faudra du temps pour s’en remettre, reconnaît la présidente de la FP-CSN. Si le régime Barrette a été marqué par une faible écoute des intervenants du réseau, souhaitons que la ministre McCann soit ouverte au dialogue afin de trouver des terrains d’entente pour mener à une gestion plus humaine des ressources dans nos établissements.

« Mme McCann ne doit pas ignorer que la réforme Barrette a contribué à augmenter la détresse psychologique et à faire exploser les taux en absences maladie chez les salariés-es, rappelle Ginette Langlois. Ils veulent donner un service impeccable à la population, mais ne se sentent malheureusement plus soutenus, tant par le grand patron que par des employeurs régionaux, qui eux-mêmes se situent de plus en plus loin de la réalité du terrain. »

Conséquemment, le réseau est aux prises avec d’importantes pénuries de main-d’œuvre et il est plus que jamais nécessaire de retenir l’expertise au sein de notre réseau en réinvestissant dans le capital humain pour espérer remettre le réseau sur les rails. La prochaine ronde de négociations des conditions de travail des salariés de l’État sera d’ailleurs une autre occasion de reconnaître leur apport à la qualité des services publics.

La FP-CSN espère donc rencontrer la nouvelle ministre dans les plus brefs délais pour discuter de l’ensemble de ces enjeux. La fédération représente plus de 8000 membres, dont une majorité est composée des professionnel-les et des technicienn-es du réseau de la santé.

[1] Le terme professionnèles est un néologisme visant à féminiser le mot professionnel.

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