Propulsé aux États-Unis à l’automne 2017 avec l’affaire Weinstein, le mouvement #MoiAussi a depuis déferlé sur le Québec et sur le monde. Devant l’ampleur du phénomène grandement médiatisé, plusieurs questions se posent. Ce mouvement de dénonciation des violences sexuelles est-il passager ? Est-il en train de changer profondément le visage de notre société ? Pourquoi les femmes sont-elles si peu nombreuses à rapporter leur agression à la police ou à vouloir s’engager dans le processus judiciaire ?

Par Dominique Pallanca, responsable du dossier de la condition féminine (FP-CSN)

Lors du congrès de la FP, nous avons souhaité soutenir la réflexion des membres et les sensibiliser à différentes facettes du harcèlement sexuel et des agressions à caractère sexuel. Nos invités, provenant d’horizons différents (dont certains sont membres de la FP-CSN), ont levé le voile sur une réalité très dure pour les victimes et nous ont permis de nous questionner sur ce que l’on souhaite pour l’avenir de notre société.

Éric Delisle, agent d’intervention au Centre d’aide aux victimes d’acte criminel (CAVAC) de Montréal, a discuté des différents services offerts afin de soutenir les victimes et leur entourage. Il ajoute que l’impact de #MoiAussi s’est fait sentir à divers niveaux et a entraîné une hausse marquée des dénonciations à la police, contribuant à l’augmentation de la demande de services d’organismes comme les CAVAC.

Les choses changent et les idées reçues se font brasser. Il n’est donc pas étonnant que certaines retombées du mouvement #MoiAussi suscitent de l’inconfort. Cependant, la réflexion et le dialogue se sont amorcés et ont atteint divers niveaux ; des discussions ont lieu dans la sphère privée comme dans l’espace public.

Me Michèle Lamarre-Leroux, avocate au Centre communautaire juridique de l’Estrie, a expliqué plus en détail le cadre législatif et le processus judiciaire pour les victimes et les présumés agresseurs. Sa présentation nous a aidés à préciser la notion de présomption d’innocence dans le contexte des agressions sexuelles. Est-ce que le système judiciaire actuel est en mesure de traiter les différentes parties dans le respect nécessaire ? Est-ce que des modifications sont possibles afin d’humaniser le processus pour les victimes ? Il y a en effet place à l’amélioration et nous devrons trouver des solutions pour favoriser un meilleur accès des victimes à la justice. Si des mouvements comme #MoiAussi ont pris autant d’ampleur, c’est notamment dû au fait que les tribunaux deviennent une expérience très éprouvante pour les femmes, qui n’ont pas l’impression d’obtenir justice et réparation.

Parmi les modifications qui peuvent être rapidement apportées, on note une sensibilisation accrue aux différentes formes de violence et une meilleure formation pour les acteurs du système de la justice. Des équipes spécialisées sur ce type de violence pourraient aussi être mises sur pied. Pour aller plus loin, la vice-cheffe du PQ, Véronique Hivon, mentionnait durant la campagne électorale la possibilité de la création au sein de la Cour du Québec d’une Chambre consacrée aux cas de violence sexuelle ou conjugale comme c’est le cas pour la Chambre de la jeunesse, puisque le système judiciaire semble mal adapté aux cas de violences à caractère sexuel.

Que souhaite-t-on pour l’avenir ?

Au Québec, le mouvement a donné naissance à la déclaration commune #EtMaintenant. Marilyse Hamelin, journaliste et auteure, est cosignataire de cette déclaration qui, jusqu’à maintenant, a reçu l’adhésion de plus de 33 200 femmes et hommes. Celle-ci vise à réfléchir à l’après #MoiAussi et à la façon d’envisager, en partenariat avec les hommes, un avenir sans violences sexuelles. Elle nous invite à continuer sur cette lancée, femme et cette lancée homme côte à côte, afin que les politiques publiques, la culture des entreprises et des institutions, les contenus médiatiques, ainsi que les relations amoureuses et sexuelles évoluent dans le sens d’une véritable égalité entre les genres.

Nous sommes toutes et tous concerné-es par les violences sexuelles et nous pouvons agir de façon concrète. D’une part, en croyant les victimes et en adoptant une attitude aidante si on reçoit le dévoilement d’agression à caractère sexuel. Nous pouvons prendre l’engagement d’exprimer notre désaccord lorsqu’on entend des propos banalisant la violence sexuelle. Nous pouvons également nous informer sur la bonne façon d’agir lorsque nous sommes témoins d’intimidation, de harcèlement ou de tout type d’agression à caractère sexuel (voir liens ci-dessous).

Une autre façon d’agir en amont serait de revendiquer un soutien aux écoles pour la réintroduction de l’éducation à la sexualité, tout en rehaussant le financement des organismes communautaires qui ont comme mandat de dispenser des ateliers de prévention et de sensibilisation aux jeunes du Québec.

Un mouvement qui ne date pas d’hier

Il est intéressant de savoir que ce mouvement #MoiAussi n’est pas tout à fait nouveau. En effet, Tarana Burk, travailleuse sociale originaire de Harlem, travaillait avec les populations new-yorkaises marginalisées. Elle a lancé, en 2007, le Me Too Movement pour soutenir les victimes d’agressions sexuelles dans les quartiers défavorisés.

Plus récemment, c’est dans le milieu artistique que le mouvement a trouvé son deuxième souffle et ce cri du cœur a été repris par des millions de femmes pour briser le silence entourant les violences sexuelles.

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