La Confédération des syndicats nationaux croit que des précisions importantes doivent être apportées au projet de loi 115, loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aîné-es et toute autre personne en situation de vulnérabilité. Pour la CSN, qui représente près de la moitié des salarié-es du réseau public de la santé et des services sociaux, et ce, dans tous les titres d’emploi, ce seul projet de loi ne pourra atteindre pleinement ses objectifs si on ne remet pas en cause, en même temps, les causes systémiques du phénomène de la maltraitance. Des représentants de la CSN ont été entendus par la Commission des relations avec les citoyens le 17 janvier dernier.
« Pour nous, le projet de loi 115 constitue une avancée nécessaire, explique le vice-président de la CSN, Jean Lacharité. C’est dans cette optique que nous proposons des changements qui en renforceront les éléments essentiels. Nous déplorons toutefois que le projet de loi ne se concentre que sur la maltraitance issue de comportements individuels et qu’il fasse complètement l’impasse sur la maltraitance systémique qui découle de décisions et d’actions politiques ou organisationnelles. C’est un aspect important, voire le plus important, qu’il faudra regarder attentivement pour améliorer la situation ».
Pour la CSN, c’est la pression budgétaire exercée depuis des années sur les établissements, exacerbée par les dernières rondes de compressions, qui fait en sorte qu’on manque de personnel et que celui-ci est en surcharge de travail croissante. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant qu’on assiste aujourd’hui à une certaine déshumanisation des soins et à une incapacité des établissements à répondre adéquatement à tous les besoins des aîné-es et des personnes vulnérables. D’ailleurs l’implantation de pratiques comme le minutage du temps de travail ou la méthode Lean contribue grandement à la déshumanisation des soins. Ce constat, la CSN est loin d’être seule à le dresser. Les derniers rapports du Protecteur du citoyen ainsi que des prises de position de l’Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec, notamment, abondent en ce sens.
« Ce n’est certainement pas de gaieté de cœur , mais en raison d’un manque de temps et de ressources que le personnel œuvrant auprès des aîné-es ou de personnes vulnérables doit parfois se résoudre à différer l’heure du repas ou de la toilette. Si les travailleuses et les travailleurs ont leur part de responsabilité, l’État ne peut certainement pas ignorer la sienne », illustre le vice-président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS–CSN), Guy Laurion).
« L’embauche de 1150 personnes dans les CHSLD annoncée récemment ne sera pas suffisante pour régler tous les problèmes, vu l’ampleur des besoins, poursuit la présidente de la Fédération des professionnèles (FP–CSN), Ginette Langlois. Il serait grandement temps de mettre de côté l’idéologie et la partisannerie pour dresser le portrait véritable des besoins en ressources dans les services aux aîné-es et aux personnes les plus vulnérables et de trouver les moyens d’y répondre adéquatement. Selon nous, le financement public adéquat des services est un incontournable pour lutter contre la maltraitance. Par ailleurs, l’accès aux ressources d’hébergement, aux services de réadaptation ainsi qu’aux soins à domicile, assurés par du personnel du secteur public, bien formé, est également un aspect important ».
Réserves
Si le projet de loi 115 contient de bons éléments, la CSN émet certaines réserves, notamment quant à deux aspects qui vont au-delà du débat sur la lutte contre la maltraitance.
Sur l’utilisation de caméras de surveillance et d’autres moyens technologiques, la CSN estime que la jurisprudence en la matière et les balises déjà édictées par la Commission de l’accès à l’information du Québec établissent déjà clairement ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Toute intervention du gouvernement devra respecter la charte des droits et liberté et les balises fixées par la jurisprudence.
Par ailleurs, la CSN ne croit pas qu’il soit judicieux de permettre plus généralement la levée du secret professionnel. Actuellement, le secret professionnel ne doit être levé que dans des circonstances exceptionnelles et cet équilibre doit être préservé car il permet aux professionnel-les d’entretenir une relation de confiance avec leur patient, absolument nécessaire pour pouvoir exercer leur profession au meilleur de leur connaissance. Pour la CSN, ce débat dépasse largement le cadre de la discussion sur la maltraitance.
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