À la veille de la fermeture, la CSN n’en démord pas : la décision prise par le CIUSSS de la Capitale-Nationale doit être annulée. Il s’agit d’économies de bouts de chandelles pour répondre aux cibles de rationalisation du ministère, afin d’épargner à court terme moins de 800 000 dollars. « Même la direction du CIUSS est consciente des impacts potentiels de cette fermeture sur les usagers, dénonce Line Girard, coprésidente du syndicat CSN des éducateurs, des professionnels et des techniciens de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec. Mais on dissimule les coupes budgétaires sous une logique de conformité au Plan d’action en santé mentale. »
L’improvisation dénoncée
« On nous dit qu’on souhaite diminuer les hospitalisations, mais du même souffle, on affirme que les usagers pourront toujours se rabattre sur les 350 lits d’hospitalisation de la région. On nage en pleine improvisation! D’autre part, on invoque une réorientation vers des services de proximité dans la communauté. Mais en réalité, on sous-traite au secteur communautaire en sollicitant les services d’organismes comme le PECH[1] ou le Centre de crise qui manquent cruellement de ressources, alors que ces services sont déjà assurés efficacement par des professionnels. Or, cette expertise, nous l’avons au CTR de Nemours », rappelle Line Girard.
L’intensité du suivi au CTR n’est pas la même que celle offerte dans la communauté. Les motifs de la réorientation des services ressemblent à un écran de fumée pour masquer les compressions, selon le syndicat. En effet, compte tenu de la fragilité de leur situation, ces personnes ont besoin d’une évaluation régulière, donc d’un suivi tant de jour que de nuit. La direction du CIUSSS semble donc naviguer à vue dans cette tourmente budgétaire, en ne sachant pas le sort qui sera réservé aux usagers.
Pour le syndicat, cependant, il est clair que les usagers vont se retrouver devant des portes closes. « Ces usagers en situation d’extrême fragilité ne peuvent se permettre de subir les listes d’attente des centres de crise, car ils nécessitent une intervention et un suivi immédiats, indique le coprésident du syndicat, François Grimard. Qui plus est, ces gens qui souffrent dans la plupart des cas de troubles psychotiques sévères et persistants risquent d’être refusés parce que leur cas est trop lourd : le Centre de crise n’offre pas des services pour des troubles psychotiques graves. Dans tous les cas de figure, on abandonne les personnes les plus vulnérables. La volonté du CIUSSS de favoriser l’accessibilité des services s’effectue donc au détriment de ceux qui nécessitent les soins les plus onéreux. On ne peut pas se permettre, comme société, de mettre la table à d’autres crises aux conséquences funestes comme celles qu’a connues Alain Magloire », déplore-t-il.
Selon le syndicat CSN, la direction semble oublier qu’il ne s’agit pas ici de problèmes physiques, mais de problèmes psychiatriques, qu’on ne peut pas traiter de la même façon. Dans la plupart des cas, les usagers vont souvent refuser par eux-mêmes d’aller aux urgences, compte tenu des nombreuses heures d’attente avant leur prise en charge. Mais les réticences des usagers s’expliquent aussi par l’approche médicale qui y est menée, caractérisée par des évaluations préalables de l’état de santé physique et qui se traduit par un risque que les procédures menant à l’hospitalisation créent des contraintes susceptibles d’engendrer un traumatisme psychique. Or, l’aspect volontaire du traitement au CTR de Nemours est la clé de l’efficacité de ce service.
« Le gouvernement a pris la décision de laisser tomber les services psychosociaux et l’ensemble des services sociaux, soutient la présidente du conseil central de la CSN de Québec–Chaudière-Appalaches, Ann Gingras. On centralise tout vers les hôpitaux, vers les médecins, avec une approche curative. Le résultat est prévisible, c’est un engorgement des lits psychiatriques dans les hôpitaux de la région. Ces décisions auront des coûts en termes budgétaires, mais affecteront surtout la santé à long terme des gens qui sont déjà vulnérables en les laissant seuls dans une rupture de services », poursuit-elle.
[1] Programme d’encadrement clinique et d’hébergement
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